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Place du cathétérisme sélectif dans la prise en charge de l’infertilité d’origine tubaire
Hélène BERMENT, radiologue, Paris

Une pathologie tubaire est impliquée dans 25 à 35 % des cas d’infertilité, quelle que soit la cause principale ou la cause associée. Le cathétérisme sélectif, technique de radiologie interventionnelle, a un double intérêt diagnostique et thérapeutique. Quel en est le principe, quels sont les résultats, quelle est sa place dans la prise en charge des obstructions tubaires proximales ?
L'exploration de la perméabilité tubaire fait partie intégrante du bilan d’un couple infertile. L’examen actuellement le plus réalisé dans cette indication est l’hystérosalpingographie (HSG), qui correspond à l’opacification par voie rétrograde de la cavité utérine et des trompes à l’aide d’un produit de contraste hydrosoluble radio opaque. L’HyFoSy ( Hystérosalpingo‐Foam‐Sonography), examen plus récent utilisant une mousse dont le cheminement intratubaire est contrôlé sous échographie, est une alternative possible à l’HSG. Bien que restant le gold standard pour l’exploration de la perméabilité tubaire, la cœlioscopie est, quant à elle, rarement réalisée en première intention. Rappel anatomique La trompe utérine est divisée en plusieurs segments (figure 1) : – l’ostium correspond à la zone de jonction entre la cavité utérine et la trompe. Il est fréquemment précédé d’un pseudo‐sphincter prétubaire apparaissant sous forme d’un fin rétrécissement linéaire transversal de la lumière, sans valeur pathologique ; – le segment interstitiel (ou intra‐utérin) présente un léger renflement à son origine. Il mesure environ 2 cm de long et son calibre intraluminal est de 1 mm ; – le segment isthmique mesure de 2 à 4 cm de long et présente un calibre plus fin de 0,5 à 1 mm ; – le segment ampullaire est le plus long et mesure de 6 à 7 cm. Son calibre est plus large. Il contient de nombreux plis muqueux sur sa surface interne, qui, associés à la richesse en cellules ciliées de l’épithélium, permettent la captation de l’ovocyte au niveau de sa portion terminale appelée « infundibulum » (ou pavillon) ainsi que le transit des gamètes. Figure 1. Radio-anatomie de la trompe utérine en hystérosalpingographie. Les différents types d’obstructions tubaires Une obstruction tubaire peut être proximale quand elle touche la région ostiale, la portion interstitielle ou la portion isthmique de la trompe ou bien distale quand elle est liée à une anomalie de la portion ampullaire ou de l’infundibulum. Les étiologies des atteintes tubaires distales regroupent l’ensemble des pathologies responsables de remaniements inflammatoires du pelvis, tels que les adhérences tubaires ou péritubaires post-infectieuses ou postopératoires, le pelvis inflammatoire chronique, quelle qu’en soit la cause, et l’endométriose. Les atteintes tubaires distales ne sont pas accessibles à une désobstruction par cathétérisme sélectif et constituent même une contre‐indication au geste en raison du risque de dissémination infectieuse à partir d’un salpinx préexistant. Le cathétérisme sélectif n’est indiqué qu’en cas d’obstruction proximale de la trompe. Les obstructions tubaires proximales L’obstruction proximale peut être : – soit secondaire à une lésion utérine para‐ostiale, comme une synéchie ou un myome sous‐muqueux juxta‐tubaire ; – soit liée à des pathologies propres de la portion proximale de la trompe, ces dernières représentant 10 à 25 % de l’ensemble des causes d’infertilité d’origine tubaire (1). Physiopathologie La région ostiale est une région à risque d’obstruction en raison de ses particularités anatomiques et physiopathologiques. Il s’agit d’une portion de la trompe où le diamètre luminal est étroit (environ 1 mm), où la paroi est plus riche en cellules musculaires que dans les autres segments et au niveau de laquelle l’épithélium contient moins de cellules ciliées. Ces trois éléments combinés favorisent la stagnation des débris muqueux ou cellulaires, phénomène accentué lors de la phase folliculaire au cours de laquelle l’augmentation des taux d’estradiol est à l’origine d’une majoration des sécrétions muqueuses et d’une diminution des mouvements ciliaires (1). Ces éléments singuliers favorisent deux étiologies fréquentes : le spasme tubaire et le bouchon muqueux, qui représentent plus de 40 % des cas d’obstruction tubaire proximale visualisés en HSG (2) et qui correspondent plus volontiers à des « pseudo‐occlusions » qu’à des occlusions vraies. Aspect en HSG des principales causes d’obstruction tubaire proximale • Les «pseudo-occlusions» Le spasme correspond à une obstruction fonctionnelle de la trompe liée à la contraction réflexe de la couche musculaire circulaire de la région ostiale souvent consécutive à l’anxiété et/ou à la douleur au cours de l’examen. Il peut être prévenu par l’injection lente et progressive du produit de contraste, par une mise en confiance de la patiente et éventuellement par l’administration d’antispasmodiques. En HSG, le spasme est reconnaissable de manière caractéristique par un aspect arrondi et globuleux de la corne utérine (figure 2A). Le bouchon muqueux (ou « boue tubaire ») est quant à lui lié à l’accumulation de sécrétions tubaires dans la portion interstitielle de la trompe (figure 2B), qui se retrouvent « bloquées » au niveau de l’ostium. La levée de l’obstacle par cathétérisme sélectif est souvent facile et permet l’opacification secondaire d’une trompe sous‐jacente normale dans la majorité des cas. Figure 2. Pseudo-occlusions tubaires. A : spasme avec aspect caractéristique de corne arrondie et globuleuse (flèche). B : débris comblant partiellement la lumière des portions interstitielles des deux trompes (flèches), sans caractère obstructif dans cet exemple. • Les occlusions proximales organiques Le polype de jonction correspond à une évagination de la muqueuse utérine dans la portion interstitielle de la trompe. Il est souvent bilatéral et plus ou moins obstructif. En HSG, il se traduit par une lacune ovalaire à bords réguliers située dans la portion proximale du segment interstitiel (figure 3A). L’endométriose tubaire proximale correspond à une atteinte du segment interstitiel par de l’adénomyose localisée au niveau de la corne utérine. Elle est volontiers bilatérale et apparaît en HSG sous forme d’une rigidité tubaire (« tuba erecta ») associée à des diverticules qui correspondent à des invaginations endométriales dans le myomètre péri‐interstitiel (figure 3B). La salpingite isthmique nodulaire est une pathologie responsable d’une atteinte fibrosante de la paroi tubaire se traduisant en HSG par la présence de multiples diverticules localisés essentiellement à l’origine de la portion isthmique et responsables d’un renflement focal de la trompe (figure 3C). L’atteinte est souvent bilatérale. Le degré d’obstruction de la trompe en aval est variable. L’étiologie de cette pathologie reste incertaine, mais l’endométriose et les pathologies inflammatoires chroniques sont évoquées en tant que causes possibles (3). Figure 3. Occlusions proximales organiques. A : polypes de jonction (lacunes régulières à la jonction des muqueuses utérine et tubaire, obstructive à droite et non obstructive à gauche). B : endométriose tubaire (aspect de « tuba erecta » associé à un diverticule du segment interstitiel). C : salpingite isthmique nodulaire (multiples diverticules à l’origine du segment isthmique responsables d’un renflement focal de la trompe). Le cathétérisme sélectif Technique Comme l’HSG, le cathétérisme sélectif est réalisé en première partie de cycle, entre J6 et J12, lorsque l’endomètre est encore peu épais. En fonction des équipes, une antibioprophylaxie peut être prescrite afin de couvrir le risque infectieux. Un dosage de la bêta‐hCG la veille de l’examen peut également être demandé afin d’éliminer une grossesse débutante qui serait méconnue. Les contre‐indications formelles de l’examen sont l’infection génitale en cours et la grossesse débutante. L’allergie au produit de contraste iodé et les métrorragies abondantes sont des contre‐indications relatives. Déroulement de l’examen La patiente est installée en position gynécologique sur une table de radiologie numérisée. Un speculum est mis en place et une désinfection de l’exocol est réalisée. Le speculum est maintenu pendant toute la procédure afin de pouvoir mobiliser le cathéter de manière optimale. En cas de difficulté à introduire ou à mobiliser le cathéter en raison d’un col de position ou d’une anatomie particulière, une pince de Pozzi peut être utilisée afin de redresser le col et de faciliter la progression du cathéter. L’examen suit plusieurs étapes : dans un premier temps la salpingographie sélective et, en cas d’échec d’opacification de la trompe par cette procédure, dans un second temps la recanalisation tubaire. • Salpingographie sélective La salpingographie sélective consiste en l’opacification de la trompe par injection directe du produit de contraste au niveau de l’ostium tubaire. Pour ce faire, un cathéter de petit calibre (4 à 5 French) est introduit au niveau du col utérin puis poussé dans la cavité et dirigé jusqu’à l’ostium de la trompe à désobstruer. Le type de cathéter utilisé dépend des habitudes du radiologue et de la morphologie utérine. Peuvent notamment être utilisés les cathéters précourbés à 120°, de calibre 5F, de type « radiologie vasculaire », mais également les cathéters rectilignes à extrémité malléable utilisés en FIV pour les transferts d’embryon. Une fois l’extrémité du cathéter en position au contact de l’ostium, un produit de contraste iodé hydrosoluble est injecté directement dans la trompe (figure 4). Si la trompe est opacifiée jusqu’à son extrémité distale, le geste technique est terminé pour cette trompe, et un cathétérisme de la trompe controlatérale peut être réalisé dans le foulée si l’obstruction est bilatérale. En cas d’obstruction proximale persistante, une tentative de recanalisation est alors réalisée. Figure 4. Salpingographie sélective. A : obstruction tubaire proximale gauche par un matériel mobile évoquant de la boue tubaire. B : opacification de la trompe par injection du produit de contraste directement à l’ostium à l’aide d’un cathéter rectiligne à bout malléable de type transfert d’embryon. • Recanalisation tubaire La recanalisation tubaire utilise le cathéter mis en place au contact de l’ostium pour la salpingographie sélective, dans lequel est introduit un guide souple hydrophile de petit calibre (0,035
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